Grèce : « Nous pouvons empêcher les nouvelles mesures »

> Entretien avec Fani et Vera, militantes de l'OKDE-Spartakos, section grecque de la Quatrième Internationale et composante de la coalition anticapitaliste Antarsya. Fani a 28 ans, elle est institutrice. Vera a le même âge, elle est chômeuse. Elles ont répondu à nos questions avant la démission de Tsipras, à l'occasion du premier camp d'été de l'OKDE-Spartakos, le 9 août 2015.

Anticapitalisme & Révolution – Pouvez-vous nous parler de la politique du gouvernement Syriza, notamment depuis le référendum, et du nouveau mémorandum ?

Vera – La TVA passe de 6 ou 13 % à 23 %, même sur la nourriture. L'âge moyen de la retraite passe de 63 à 67 ans...

Fani – Dans le même temps, il y a de nouveaux licenciements dans le secteur public, et ils sont rendus libres dans le secteur privé...

Vera – ...libres et massifs ! Et le gouvernement revient sur les conditions de travail en les rendant plus difficiles.

Fani – Les banques peuvent maintenant expulser et saisir les maisons de ceux qui sont endettés auprès d'elles, ce qui était interdit depuis les années 1980. Le gouvernement achève aussi les privatisations qui avaient commencé sous le gouvernement précédent et en organise de nouvelles...

Vera – ...ce qui inclut les aéroports, les parcs, les stades, les sociétés d'électricité, de train, l'eau dans les grandes villes... Ces privatisations coûtent aux travailleurs 50 milliards d'euros, ce qui est la somme que nous devons payer. Et les autres mesures rapportent 23 milliards à l'État.

A&R – Quelle est la politique de la plate-forme de gauche de Syriza ?

Vera – La plate-forme de gauche n'a pas d'existence en dehors de Syriza. Certes, ses membres n'ont pas voté le mémorandum et les mesures, mais ils soutiennent toujours le gouvernement en disant qu'ils ne veulent pas faire le jeu de la ND et du PASOK.

Fani – La plate-forme de gauche de Syriza n'a pas de base sociale. C'est un groupe d'intellectuels qui sont opposés à la politique du gouvernement, mais ils n'ont pas la volonté de rompre avec Syriza. Depuis le dernier congrès du parti, ils sont très liés à la direction pour avoir des places éligibles. Ils disent qu'ils sont opposés, mais qu'ils croient toujours à l'unité du parti. Ils sont piégés par leur propre politique, dont le seul résultat est d'accroître leur intégration dans Syriza, sans capacité d'en changer la politique.

A&R – Qu'a apporté l'expérience des collectifs pour le « non » et quels sont maintenant les débats dans Antarsya ?

Vera – C'est une bonne chose que de nous rencontrer entre militants qui ont fait campagne pour le « non » au référendum. Il est important que ces comités ne fassent pas seulement de la propagande pour un programme, mais soient utiles à ceux qui sont victimes des nouvelles mesures. Par exemple, beaucoup de chômeurs ne peuvent pas payer leurs factures d'électricité et on essaie de leur couper le courant. Les comités de base doivent leur proposer la perspective d'une grève générale permanente. C'est ce que nous pensons à l'OKDE, et cette position est partagée par d'autres dans Antarsya. D'autres proposent un nouveau front politique, sur la base de la campagne du « non », avec toutes les organisations qui y ont participé. Cette ligne ne peut pas fonctionner, sa base politique serait trop faible.

A&R – Pouvez-vous nous parler des mobilisations qui ont eu lieu après le mémorandum ?

Fani – Le jour du vote des mesures du nouveau mémorandum, une grève générale de 24 heures a été appelée dans l'ensemble du secteur public. Il est difficile de mobiliser en été. Beaucoup sont en vacances, les étudiants rentrent dans leurs villes… Le matin de cette journée de grève générale, la mobilisation n'était pas très massive, mais elle était plus grosse que ce que nous attendions. Et la manifestation du soir était encore plus importante, avec plus d'organisations politiques, de cortèges organisés. C'est à cette manif que nos camarades ont été arrêtés à cause des attaques de la police anti-émeutes.

Vera – A chaque fois qu'un mémorandum est voté, la place Syntagma [devant le parlement, ndlr] est interdite aux manifestants. La police anti-émeutes les attaque à chaque fois qu'un mémorandum est voté.

A&R – Quelles sont les perspectives pour la classe ouvrière et la jeunesse ? Y a-t-il des secteurs en pointe ?

Fani – Même si le mémorandum a été voté, le gouvernement doit faire voter en septembre les lois qui permettront son application.

Vera – Avec les travailleurs et les syndicats, nous pouvons empêcher ces mesures d'arriver, même les privatisations. C'est déjà arrivé avec les précédentes mesures.

Fani – Dans les hôpitaux, par exemple, il y a eu une grève qui a été critiquée par les membres de Syriza. Ils ont dit que cela pourrait aider la Nouvelle démocratie [principal parti de droite, ndlr] et le PASOK [PS grec, ndlr] dans leur opposition contre le gouvernement, que cela leur ferait une excuse contre nous, que la situation est difficile, etc. Notre travail doit se faire à la base, dans les syndicats et plus généralement dans la société. Nombreux sont les électeurs de Syriza qui sont déçus, qui se sentent trahis, qui sentent que maintenant tout va être pire, mais qui sont dans une position d'attente. Ils attendent que quelqu'un les mobilise... Ça va être nous !

Propos recueillis et traduits par
Léa Drenne et Jean-Baptiste Pelé

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